10 700 euros. Ce chiffre sec, presque brutal, délimite la frontière annuelle du déficit foncier en France. Les propriétaires bailleurs connaissent bien cette borne : elle conditionne l’avantage fiscal tant recherché, mais laisse aussi sur le quai toutes les dépenses qui dépassent. Heureusement, rien ne s’évapore pour autant : chaque euro excédentaire trouve sa place en report, sur les revenus fonciers des dix prochaines années.
Le texte législatif a réservé une parenthèse inattendue. Avec la loi de finances 2023, un seuil rehaussé à 21 400 euros s’ouvre, mais sous condition : il faut s’attaquer à la rénovation énergétique dans des logements classés F ou G, et agir entre 2023 et 2025. Ici, les règles se corsent : chaque chantier doit répondre à des critères précis, avec la location en toile de fond.
Déficit foncier : comprendre le principe et les situations concernées
Le déficit foncier s’adresse à ceux qui choisissent la location nue et optent pour le régime réel d’imposition. Le principe est limpide : si les charges déductibles dépassent les loyers perçus, la différence vient rogner, voire effacer, votre impôt sur le revenu global. Voilà un outil qui trouve vite sa place chez les investisseurs, surtout quand la fiscalité immobilière se durcit.
L’administration fiscale ne laisse rien au hasard. Louer le bien au moins trois ans après avoir utilisé le déficit, c’est la règle. Quitter plus tôt, vendre ou changer l’usage, c’est risquer de voir l’avantage disparaître, sauf circonstances graves : décès, invalidité, expropriation, sinistre. Précision d’importance, seules les locations nues sont concernées : la location meublée, elle, reste en dehors du dispositif.
Ce mécanisme s’articule aussi avec d’autres dispositifs. Loi Pinel, Malraux, Loc’Avantages : le cumul fonctionne, tout comme dans certains cas de démembrement de propriété. Le nu-propriétaire peut, sous conditions, tirer profit du déficit, à condition que les dépenses servent l’intérêt du bien. Même les SCPI de déficit foncier permettent d’accéder à l’avantage sans gérer un bien en direct.
Voici les paramètres incontournables à retenir :
- Le régime réel s’impose, aucune déduction automatique possible
- Location nue obligatoire, meublé exclu
- Obligation de maintenir la location pendant trois ans après l’imputation
Ce levier séduit les propriétaires aguerris, mais gare à l’excès de zèle : l’administration ne laisse rien passer et un usage à contretemps expose à des rappels fiscaux.
Quelles charges et dépenses sont réellement déductibles ?
Adopter le régime réel, c’est ouvrir la porte à toute une série de charges déductibles pour maximiser le déficit foncier. La règle : seules les dépenses nécessaires pour conserver, entretenir ou améliorer le bien loué nu sont retenues. L’administration fiscale distingue soigneusement les catégories de travaux.
Pour y voir plus clair, voici les principales dépenses admises :
- Travaux de réparation et d’entretien : ravalement de façade, remise en état de toiture, remplacement de chaudière, rénovation électrique, traitement de l’humidité. L’idée : maintenir le logement en bon état sans changer sa structure.
- Travaux d’amélioration : installation d’une cuisine moderne, rénovation de salle de bain, isolation thermique ou phonique, double vitrage. Ces opérations apportent du confort sans modifier la structure du bien.
En revanche, toute dépense de construction, reconstruction ou agrandissement reste hors-jeu. Surélever l’immeuble, aménager les combles, étendre la surface : aucune de ces opérations ne génère de déficit foncier déductible. Le dispositif vise à empêcher les abus.
Une précision à ne pas négliger : les intérêts d’emprunt ne s’imputent jamais sur le revenu global, mais uniquement sur les revenus fonciers. Et si le déficit dépasse le plafond annuel, la partie excédentaire se reporte sur les loyers imposables des dix années suivantes.
Les autres charges admises incluent les primes d’assurance, la taxe foncière (hors ordures ménagères), les frais de gestion, certains honoraires de syndic. La vigilance est de mise : seule la nécessité réelle des charges prime devant l’administration fiscale.
Montant maximum déductible par an : ce que dit la loi et les cas particuliers
Le déficit foncier permet une déduction, dans la limite de 10 700 € par an, du revenu global. Ce plafond s’applique à toutes les charges déductibles, sur un ou plusieurs biens, à condition d’être sous régime réel et de louer nu. Au-delà, l’excédent migre vers les revenus fonciers des dix prochaines années : rien ne se perd, mais la réduction d’impôt sur le revenu global s’arrête là.
Une mesure spécifique concerne les travaux de rénovation énergétique réalisés du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2025. Si ces travaux permettent de faire passer le logement d’une classe énergétique E, F ou G à une classe A, B, C ou D, le plafond grimpe à 21 400 € pour l’année. Attention : deux diagnostics de performance énergétique sont exigés, avant et après travaux, pour prouver la transformation.
Autre atout, le déficit foncier échappe au calcul du plafond global des niches fiscales. Contrairement à de nombreux autres dispositifs, aucun cumul restrictif ne vient limiter l’avantage.
Quelques exceptions subsistent. En cas de décès, d’invalidité, d’expropriation ou de sinistre, impossible pour l’administration de remettre en cause l’avantage obtenu. Pour activer le mécanisme, la location doit être maintenue au moins trois ans après l’utilisation du déficit sur le revenu global.
Ce qui va changer en 2025 et 2026 pour les propriétaires bailleurs
Les années à venir vont peser lourd dans la stratégie des propriétaires bailleurs qui misent sur le déficit foncier. Le plafond exceptionnel de 21 400 €, réservé aux travaux de rénovation énergétique, s’éteindra avec l’année 2025. Dès le 1er janvier 2026, retour aux règles habituelles : la limite retombe à 10 700 € par an pour la déduction sur le revenu global.
En clair, pour tirer le meilleur parti de l’avantage fiscal temporaire, il faudra que les travaux soient non seulement réalisés, mais aussi payés avant la fin 2025. Le doublement du plafond exige deux diagnostics de performance énergétique (DPE), l’un avant les travaux, l’autre après, attestant d’un saut de classe énergétique. Sans cette évolution, le plafond majoré ne s’applique pas.
Les propriétaires engagés dans d’importants travaux disposent donc de peu de temps : l’administration fiscale n’accepte que les dépenses effectivement payées avant la date butoir. Une facture réglée en 2026, même pour un chantier commencé plus tôt, ne comptera pas pour le plafond doublé.
Cette période crée un contexte propice à l’accélération des projets de rénovation. Dès 2026, le mécanisme retrouve sa forme initiale, recentrant le déficit foncier sur sa mécanique de base et réduisant l’attrait immédiat pour tous ceux qui misaient sur la transition énergétique différée.
2025, c’est la dernière ligne droite pour profiter du bonus sur le déficit foncier. Passée cette échéance, le paysage fiscal reprendra sa forme classique, laissant moins de marge aux retardataires. Ceux qui sauront saisir la fenêtre de tir pourront, un temps, alléger la note fiscale et accélérer la transformation énergétique de leur patrimoine.


